Jake Bugg, 18 ans, se révèle au monde avec un premier album éponyme d’une exceptionnelle qualité. Un petit chef d’œuvre dont la majorité des chansons ont été coécrites avec Iain Archer qui dans le passé avait déjà collaboré avec le groupe Snow Patrol. Né en 1994 à Cliffton, banlieue désolée de Nottingham, Jake Bugg exorcise son spleen adolescent dans des chansons d’une incroyable maturité pour son jeune âge.
Lightning bolt, fulgurance folk rock qui ouvre l’album pose tout de suite le niveau. Le jeune gaillard connait son affaire. Cet album est une claque, une grosse gifle qui fait du bien.
Le revival soul façon Motown a eu Amy Winehouse, le folk d’East Village aura son Jake Bugg. L’écoute de l’album nous ramène droit en 1960/1965. La production vintage est merveilleuse, le son crépite comme sur un vieux 33 tours. Quel bonheur à l’ère de l’auto-tune et des productions FM de plus en plus aseptisées à la Coldplay… C’est comme si ce jeune barde vous susurrait ses chansons à l’oreille (Country song, Note to self, Someone told me), avec un timbre qui rappelle incroyablement ceux de Donovan et de Bob Dylan… Des guitares acoustiques enregistrées brut, sans maquillage, épurées… Des guitares électriques bourdonnantes, par là un effet Twang, par ci une partie de bottleneck qui sent bon le Bayou… Une voix mâtinée d’une réverbe lumineuse et déchirante… Une caisse claire qui claque ce qu’il faut de nuance, une basse subtile, des arrangements simples mais envoûtants,… C’est tout cet ensemble fragile mais Ô combien inspiré qui transporte ce disque vers des sommets.
Jake Bugg possède ce timbre de voix à la fois sensuel et triste (les magnifiques et larmoyants Broken et Slide) mais également de conteur d’histoires sillonnant le pays tel un desperado (Trouble town, Mister Jones). Capable aussi de s’offrir des embardées pop rock dignes du meilleur Oasis (Two fingers, Seen it all), Jake Bugg sait secrètement s’enivrer des liqueurs rock qui ont su bien vieillir.
L’album se clôt sur un reggae folk enregistré comme si vous étiez en Louisiane en 1935… Comme si un petit magnétophone de mauvaise facture avait capté Jake Bugg à la volée, seul avec sa guitare, assis à l’arrière d’un pick up abandonné… Une conclusion en forme de symbole pied de nez à la modernité, à la hype, à la médiocrité qui ronge l’industrie du disque depuis de (trop) nombreuses années. Un doigt érigé en majeur qui rassure également quant à l’émergence de jeunes auteurs compositeurs musicalement éduqués, subtils, inspirés et talentueux. Jake Bugg a l’étoffe d’un très grand. Avec sa bouille à la Keith Richards des 20 ans, il peut aisément se frayer un chemin dans la lignée des Bob Dylan, Johnny Cash, Ray Davies, Sixto Rodriguez… Il aura au moins signé un premier album foudroyant.