Bruxelles, humeur maussade (comme le temps), lever difficile. Je m’approche du lecteur CD et me penche sur ma discothèque. Que mettre aujourd’hui ? Quel groupe n’a pas encore sa place de choix sur Rocknrank ? Mon regard effleure l’ordre alphabétique des artistes et tombe sur le R.
R comme Radiohead. Groupe mythique du début des années 2000. Des tubes plein la tête, un son sans cesse réinventé. Par où commencer ? Comment faire découvrir ce groupe à un néophyte ? Par le début (plus rock) ? Par la fin (plus électronique) ? Allons direct à l’essentiel et au pont entre ces deux mondes : Ok Computer.
Troisième album de la formation de Yorke & Greenwood sorti en 1997, c’est l’album de la consécration après deux premiers opus également indispensables – Pablo Honey & The Bends.
Que retirer de cette merveille ? Le mythique Paranoid Android ? L’ouverture incroyable d’Airbag ? Le populaire No Surprises ? Le final de The Tourist ? Se concentrer sur sa dimension politique? Impossible de faire le tri, il faut l’écouter (au casque !). Et dans l’ordre car tout a été pensé pour que tout ne soit que progression et découverte.
Airbag donc. Un riff qui vous saisit d’entrée de jeu et un break de batterie découlant sur une rythmique improbable. La science de Greenwood, la technicité de Selway et la lourdeur de la basse qui vous cueille quelques secondes plus tard. Ça y est, nous voilà partis. Durant tout le long du morceau on explore un nouvel horizon. La production est impeccable, le son se superpose par couche, l’émotion est présente et le solo de guitare imparable. Quelle entrée en matière !
Paranoid Android. Chef d’œuvre, clé d’entrée dans l’univers Radioheadien. Tout est parfait, balancé, mystique. Tout n’est que finesse. Tout son a une place unique. Tout n’est que Symphonie et gestion des temps forts. Le morceau commence par une rythmique folle et une mélodie lancinante. Yorke plante le décor et invite à la danse pendant 2 minutes – d’ailleurs vous n’y pouvez rien votre tête dodeline sans que vous ne puissiez l’arrêter. Puis arrive le fameux bridge de basse qui lance les hostilités. A cet instant répondent guitares et touches de piano avant le déchainement du refrain amorcé par les riffs salutaires des guitaristes de la formation. Enfin ! Ca y est le déchainement est là ! Oui, mais pour quelques instants uniquement. Repartons dans la danse. A la basse répondent les chœurs et le temps se suspend encore. Quelle amorce ! La tête dodeline de nouveau. Vous voilà en plein trip psyché. Psyché qui laisse finalement sa place à une fin du morceau en apothéose à la lourdeur impressionnante. Quelle claque !
Subterranean Homesick Alien. Comment enchainer par un morceau aussi abouti que PA ? Le quintette anglais surprend son monde en enchainant par une balade. Encore une fois le mélomane audiophile sera ébahi par le travail de Greenwood sur la recherche sonore et la richesse du morceau au niveau de sa qualité de production. A écouter au casque pour en retirer toutes les nuances. Jamais la voix de Thom n’a été aussi bien entourée par les nappes de guitare et les échos.
Exit Music (For a Film). Deuxième morceau mythique de l’album. Avant de l’écouter je mets en garde toute personne qui aurait des idées noires ou qui sortirait d’une rupture amoureuse – Si tel est le cas, Ami lecteur, appuie sur le bouton forward de ton lecteur CD par pitié.
Pour les autres, laissez-vous happer par la mélancolie extraordinaire de ce morceau. Voyagez avec le tremblement de la voix de Yorke et profitez des synthés qui vous prennent à la gorge. Fermez les yeux. Oui. Allez-y. Vous pouvez pleurer.
Let Down. A écouter rapidement. Rien de spécial à sortir de ce morceau.
Karma Police. Morceau de Radiohead, qui, avec « Creep » est le plus repris par les groupes amateurs. Et pour cause ! Une intro léchée, une entrée fracassante de la voix et de la batterie, une mélodie entêtante, un passage émotion, un solo et une sortie frisson. Quelle efficacité !
Fitter Happier. Certains y voient une introduction aux albums Kid A/ Amnesiac.
Electioneering. Peut-être le morceau le moins réussi de l’album. Au casque, on passe rapidement à la chanson suivante car c’est bruyant et désagréable.
Climbing Up The Walls. Enfin un peu de calme. Le morceau qui marque une transition vers la fin de l’album. Thom Yorke prend sa voix la plus écorchée et entraine le voyageur vers l’au-delà. Nous retrouvons les rythmes lancinants.
No Surprises. Tiens, voici encore une chanson 1000 fois reprise. Balade popularisée en France par le film de Klapisch – L’Auberge Espagnole, on retrouve une volonté du groupe de faire dans l’efficace. Cela pourrait être une suite de Karma Police. Pourtant, encore une fois, c’est du très solide et devrait en inspirer plus d’un. Il y a une vraie tristesse dans ce morceau.
Lucky. Troisième perle de l’album. Titre à écouter en voyage reculé au bout du monde. Complainte d’un homme solitaire, perdu au milieu de l’immensité, Lucky vous happe au bord de la route. Aux échos d’orgues répond la voix plaintive de Thom et la lourdeur de la basse de Colin Greenwood, le frère du petit génie Jonny. Et puis quel solo ! Nous revoilà repartis vers le final.
The Tourist. Ultime chanson de l’album. Nous avons pour habitude de dire que l’on retient d’un concert la première et la dernière chanson. Ici, Radiohead applique à la lettre cette maxime. La chanson est excellente et résume à elle seule l’album – Mélancolie, voix centrale mais jamais criarde, effets impressionnants, rythmique chaloupée et solo impeccable. Le groupe d’Abingdon conclut magistralement un album impressionnant.
Clap de fin. Après avoir pris un tel « kif », réfléchissons à ce qui en fait un album mythique.
Tout d’abord, c’est évidemment le talent des musiciens, la richesse impressionnante des sons et le travail de fond réalisé par le groupe et exposé tout le long de cette chronique.
Ensuite, les thèmes abordés par l’album demeurent malheureusement très actuels – Solitude de l’homme au sein de la société, course à la consommation, irresponsabilité humaine et égocentrisme.
Enfin, Ok Computer laisse une trace indélébile dans l’histoire du rock. Classé 162 des 500 meilleurs albums de rock par le magazine Rolling Stones et régulièrement cité comme l’album de référence d’un des groupes les plus influents des années 2000, c’est un disque clé à ranger dans votre discothèque et à faire écouter aux plus jeunes afin de contribuer à leur éducation musicale.