Ahhhh Jim Noir ! Déjà le patronyme en dit long sur l’élégance qui doit caractériser ce jeune homme. On l’imagine dandy, affublé d’un costume 3 pièces taillé sur mesure époque Carnaby Street, déambulant dans le fog londonien, canne à la main, porte cigarette vissé sur les lèvres, saluant avec révérence les jolies demoiselles qu’il croise au détour d’un vieux pub anglais qui sent bon le mélange de Lager et de fish & chips…
Jim Noir est bien cet artiste au chapeau melon et boots de cuir, complètement sous-estimé et quasi-inconnu du grand public aujourd’hui malgré quelques succès d’estime avec cet album que nous chroniquons ici. Avec ce « Tower of love » paru en 2005 que quelques canards auront le bon goût d’encenser en France (Rock & Folk, Télérama, le guide de la FNAC,…), nous prenons un aller (sans retour) pour tout ce que la « vraie » pop Anglo-saxonne compte de plus beau. Pénétrer la capsule de Jim Noir, c’est embrasser des influences aussi diverses que celles de The Kinks période “Village green preservation society”, The Small Faces période “Ogden nuts gone flake”, The Beach Boys période “Smile”, Paul McCartney période “RAM”, The Zombies ambiance “Emily”, Harry Nilsson … Bref que du beau monde dans les inspirations… Amoureux de Foxygen, ouvrez grand vos écoutilles…
Une fois bien inséré dans la capsule, le casque cloué sur la tête, on actionnera le levier pour décoller vers un univers tout en Technicolor. Confortablement affalé dans notre siège en formica orange, on passera notre tête à travers le hublot pour contempler la galaxie Jim Noir où flottent en lévitation des airs d’Electric Light Orchestra. Une production « Do it yourself » et des arrangements Lo-Fi : Jim Noir a tout composé, enregistré, mixé et produit seul sur son home studio. On l’imagine bien reclus dans sa piaule, s’amusant avec ses claviers à trafiquer ses sons qui vont parfois lorgner du côté des arrangements de XTC sur l’album « Go2 ».
“Tower of love” est paré d’arrangements exceptionnels, malins car contraints par peu de moyens. En vrac : “Computer song” fredonné sur un gimmick cotonneux. “How to be so real” qui flirte entre pop éthérée et americana. Une flûte traversière qui glisse furtivement, des choeurs qui s’empilent les uns sur les autres, une basse qui ronronne… Un travail d’orfèvre. Simple et beau. Un univers édulcoré, rose bonbon, sucré à la manière de la séduisante ritournelle pop acoustique sur “Eanie Meany”.
Dans la voie lactée, la comète Jim Noir emprunte le corridor d’Harry Nilsson période “Pandemonium shadow show” sur l’instrumental space folk “Eany Meanie 2″… Dans le petit théâtre de Monsieur Jim Noir, la nature buccolique éveille les sens (il faut écouter l’incroyable interlude de “Turn your frown into a smile”). Au gré d’une valse instrumentale (“Tower of love”) revisitée façon musique de série sixties (“Le Saint”, Roger Moore), Jim Noir butine ses mélopées sixties pour livrer un nectar exquis : “Turbulent weather”, “Key of C” et “The only way”. Trois sublimes ballades avec un coup de coeur immense pour la dernière qui retourne complètement les tripes… Qui fait l’effet d’un Brian Wilson parti en apensanteur avec Harry Nilsson… Chef d’oeuvre. Larmes… Un disque qui fout le “smile”. Qui fait du bien. Pas prétentieux pour un sou. Qui ne sonnera jamais daté et rétro puisque Jim Noir a eu l’intelligence d’envelopper son univers de quelques bidouillages, sonorités electronica qui manignifient l’ensemble à l’image des fantastiques “Key of C” et “A quiet man”.
Le monde est triste et peu redevable… Jim Noir est un grand songwriter complètement ignoré du grand public. Ne pas chercher à comprendre au risque de finir dépressif… Pendant ce temps là le monde s’extasie sur les déjections FM de Fun, Virgin, NRJ,… Oui le monde est décidément mal foutu pour nous et tous les Jim Noir de la planète.