Dans la longue série des anonymes ayant livré des œuvres Majeures figure le parisien Sébastien Sigault alias Captain Kid. Avec ce premier album il frappe à la porte des grands tout en rejoignant la caste de ces mecs talentueux que l’industrie musicale ignore froidement à l’image des disques de Jim Noir et Adam Green auxquels RocknRank a rendu justice. Car ils le méritent amplement. On ne peut pas passer à côté de tels trésors bien enfouis profond sous le sable maintsream et raccoleur FM… Ils sont là pour nous rappeler que la résistance continue dans l’ombre… Et ce grâce au travail remarquable d’un label comme Discograph (General Elektriks, Angus & Julia Stone, Stuck in the sound,…) qui déniche de tels diamants.
Avec ce premier opus, Captain Kid dévoile l’art parfait du songwriting pop au sens noble du terme. Pas celui de Katy Perry ou Robbie Williams. Une pop folk mélodique, soignée, élégante, majestueuse, « éduquée », inspirée. Captain Kid a la grâce d’un ange déchu. Il y a du Leonard Cohen et du Cat Stevens avec une teinte plus juvénile dans la voix. Il y a la splendeur des arrangements de Van Morrison dans ses chansons (les albums essentiels que sont « Astral week » et « Moondance ») : la délicatesse d’une harpe, d’un ukulélé, d’une flûte traversière ou d’un clavecin, la mélancolie des instruments à corde, le velours d’une orchestration pastorale emmenée par un cor de chasse, des chœurs divins,…On y retrouve aussi quelques touches western à la Enio Morricone.
Un travail d’orfèvrerie signé Julien Ribot à qui Captain Kid a fait appel pour habiller ses compositions. Le résultat est immense, parfait de bout en bout pour qui aime la pop telle que la façonnait Harry Nilsson (il suffit d’écouter « Shiny crown »)…. Mais l’animal sait aussi y faire en matière de chansons épurées (« We And I » et « Ukuk1 ») à base de constructions sur un ukulélé, quelques chœurs, des sifflements, claquements de doigts et un banjo. Il suffit de peu parfois en musique pour émerveiller. Captain Kid manie cet art brillamment.
Un disque qui outre Van Morrison (sur le titre « Erratic Fever ») évoque aussi : Scott Walker (« Sad Waltz »), Divine Comedy (« November paradox »), Belle & Sebastian (« Almost friends »), Richard Hawley (la chanson d’ouverture « Not reliable »)… Une cour des Grands à laquelle s’invite le Petit Prince Captain Kid. Les chansons « Nolita », « Forever cold » et « F# » d’une beauté à couper le souffle sont là pour en témoigner. On sent que le parisien a également grandi au son du classique en écoutant Bach, Haendel, Chopin,…
Un album bucolique (« Erratic fever »), aux teintes automnales, celles d’un monde qui se fane dans la lumière sépulcrale du soir (« Forever cold »). Une atmosphère intimiste et romantique imprègne le disque (« Nolita »). L’écoute quasi religieuse du disque a la saveur d’un baiser tendre mais furtif (« We And I »). La bande son et cinématographique du vol d’un albatros blessé qui dans un dernier battement d’aile achève sa course dans un ciel azuré (la chanson « F# »). Un disque coincé dans l’obturateur d’une caméra 8mm (« Almost friends »). Chaque chanson de « 67 songs » est une photographie écornée et jaunie par le temps que l’on contemple à la lumière de la bougie (« Sad Waltz »). C’est tout cela qui transpire dans cette œuvre confidentielle. Celle d’un dandy aux allures d’un « héros très discret ». Alors on allume confortablement son cigare, un verre de brandy à la main, et on se laisse choyer au coin du feu de cheminée par ces douze litanies d’un éclat désarmant…
Un chef d’œuvre ? Assurément. Un disque intelligent, subtil, merveilleux. Captain Kid émerveille, c’est bien ce qui le définit dans cette œuvre. Dès la première écoute, c’est une étreinte dont on ne se remet pas… Un très GRAND disque à faire écouter d’urgence à tous ces crétins qui disent que les français ne savent pas faire de rock ou de pop comme les anglo-saxons.