Sol Invictus, mais qu’est-ce donc? Un nouveau projet tant attendu par le microcosme des fans de Mike Patton que je côtoie (il se reconnaîtra). Mais sinon? Pour les autres? Et Faith no More? Un souvenir personnel vague des 90s, sous la forme d’une pochette pompeuse d’un oiseau grandiloquent toutes ailes déployées. Je suis honnête, comme l’est cet album.
Épopée chevaleresque. Bal des vampires. “Sol Invictus” ouvre avec claviers, effets d’espace, et énervement rythmique. Mike Patton joue de sa grosse voix pour faire monter la pression. Une théâtralisation à outrance. Une montée en puissance vers ce refrain qui remplit l’espace. Décollage dans un univers loufoque et complexe d’accès.
Ah… LE son des Guns and Roses, come back in the 80s. “Superhero” nous refait vivre notre époque adolescente toute distortion dehors. Le signal est retraité, kitsch mais puissant. Un refrain à la Hetfield et ses comparses. Ça hurle mais c’est jouissif. Un bolide lancé sans filet. Une prouesse à reproduire sur Guitar Hero. Un départ du bon pied.
“Sunny Side Up” surprend par sa maîtrise rythmique. Inattendue, suspendue, sautillante. Un contre à contretemps. Ça groove, on se surprend à entendre du Red Hot belle époque. Le pont tout en compression et wha fait revivre un désir funk inassouvi.
Attention, gros morceau. Les basfonds du groupe ressurgissent avec un “Separation Anxiety” sombre et mortel. Mike devient possédé. À écouter quand tout va bien et éviter la pénombre des recoins inconnus.
“Cone of Shame” m’évoque les grands espaces américains. Un western en plein air, une bataille de biscotos, à celui qui dégainera le premier. “You know who you are”, martèle cette voix-juge. Ah bon? Le doute fait place au bruit démonstratif. Mais qui comble un vide, tant mieux. Tandis que le batteur bat… l’air de rien. Mon nouveau Marlène, sans Noir Des.
“Rise of the Fall” est étonnamment Strokes dans le riff introductif, harmonies de guitares harmonisées. Puis le reggae et la comédie musicale prennent le dessus, vers une scènette d’amour à l’italienne sur une pirogue vénitienne. Dolce Vita. Fraîcheur. Utile en période caniculaire.
Attention les cours de bourse s’effondrent. Le “Black Friday” s’invite avec une basse subtilement habile dans son escarcelle. Ça sautille innocemment et pourtant. Ça martèle. Le pont d’avant 2 minutes est salvateur pour nous relancer ailleurs. Des pleins et des déliés. Une compo qu’Omar (Rodriguez Lopez) et son collectif Antemasque auraient pu dégainer.
“Motherfucker” est un titre sournois. Qui reste longtemps dans la pénombre bruitiste. Puis la basse pose sa première note, suivie d’une batterie cinglante digne de The National – en plus lourde et moins nuancée – d’un refrain Hard Rock, d’un solo contemplatif mélodique qui laisse la fosse en émoi. Sortie de scène. Le titre le moins réussi de l’album cela dit.
“Matador” reprend ce jeu d’acteur cher à Patton. Il réalise la bande-son d’une pièce à part entière entre musique de chambre et histoire composée. On pense à Bowie, pour les contours GlamRock. Un apport réel à ce stade de l’album.
Pourquoi finir sur une ballade acoustique au rythme galopant? À première vue, l’intérêt de ce titre réside dans sa simplicité guitare-voix-feu de cheminée. On s’ennuierait presque si ce n’est q’une sonorité T-Rex peace nous envoûte. Patton a fini de se battre, place à la contemplation.
Une écoute attentive d’un artiste nouveau pour moi. Faith no More ne m’évoquait rien. La chance du débutant. Je réponds ici présent avec un album qui ravit le néophyte que je suis, en quête de plaisir d’oreille et de sensation fraîcheur. La musique gueularde n’est pas, place au virtuose et à la musicalité, pour qui fait l’effort simple d’écouter. Encore une victoire de canard pour un des meilleurs albums de 2015. Coin.