D’abord, le contexte. Après des albums stoner très réussis (l’éponyme, Rated R, Songs for the Deaf, Lullabies to Paralyse), Queens of the Stone Age se fait attendre au tournant de l’exercice de la répétition du succès. Et il faut le dire, certains fans de la première heure ont fait la gueule. Tempo plus digeste, lourdeur moins gastrique, la pilule Era Vulgaris est un remède nouveau à des maux anciens. Une période de rodage digestif obligatoire pour en tirer sa quintessence.
“Turnin on the Screw” s’électronise d’emblée. Il faut attendre le solo-variation autour d’une Wha affolante qui défrise pour apercevoir le bout du tunnel… Qui ne fait que commencer pour durer.
“Sick, sick, sick” aurait pu s’appeler “Knock, knock, knock” en hommage à nos amis bûcherons de tous poils. La caisse claire est l’instrument majeur à apprendre pour s’exprimer en toute quiétude. Guitare rythmique de Josh fabuleuse, qui frise avec les limites de l’accordage.
Mais voilà, le tempo redescend, le groove reprend. “I’m Designer” clame le renouveau d’un groupe assagi qui se joue des conventions et des miracles de l’électricité. Le son est radicalement nouveau, brouillé, trituré avant d’atteindre un refrain efficace aux faux airs déjà connus. Comme pour rassurer l’auditoire. Une mise en bouche parfaite quand on connaît le side-project postérieur avec Them Crooked Vultures.
Come Back. “Into the Hollow” revisite les vieilles recettes plus commerciales. Rien de spécial sur ce titre construit comme bien d’autres, voix posée, nuancée autour d’un rythme désertique qui nous remémore certaines autres sessions. Mais c’est toujours aussi bon.
Chute libre sans parachute. Nous nous fracassons quelques mètres plus bas avec ce “Misfit Love” diaboliquement précis. Millimétré sur le papier. L’urgence robotique du titre nous téléporte dans le système solaire et ses habitants pas toujours très nets.
Aimez-vous la batterie? Et l’acide? La réunion des deux et sa cloche tintamarre illustrent un travail à la chaîne dans une usine désaffectée. La folie sans répit qui reprend à grandes salves de sabres laser. Psychotique.
Une balade? Un crooner? L’ingé son a-t-il voulu se jouer de nous en intercalant un slow des tavernes? Velours, mais côtelé, chemise bûcheron hipster, air propret et cigare consumé. La volute douce de ce “Make it with Chu” nous embrase. Tête d’ampoule.
“3’s & 7’s” rompt la trêve. Facilement. Historiquement commune, la chanson nous ancre dans le connu. Peut-être un titre remplissage… Ne soyons pas trop pressés et attendons 3’05. Troy s’éclate désormais, sa guitare s’égosille pour brutalement clore. Nous sommes sauvés.
Pourquoi ai-je ressenti le besoin de revenir – bien plus tard – sur ce “Suture Up your Future”? Pièce qui en devient maîtresse dès lors que 3’20 résonne. Bordel organisé de fûts matraqués, de cloche sonnée, d’accords égrainés. Ça sonne la fin.
Sirène. “River in the Road” s’agace. L’espace sonore est plein, délicatement travaillé par couches hypnotiques délayées. Arpèges aigus, ponctuations nerveuses, batterie cavalcade.
Mais pourquoi ne pas finir là-dessus? “Run, Pig, Run” relate le passé. Le stoner à l’état brut et classique des albums précédents. Descente démoniaque harmonisée. Harmoniques stridentes. Rien de nouveau, rien de déplaisant. La boucle est bouclée avec au passage des pépites d’expérimentations qui font QOTSA aujourd’hui. Le stoner ne suffit pas. Josh réinvente la machine Rock.
Je ferai un parallèle que beaucoup n’apprécieront pas mais la première écoute fut pour moi la même. In Rainbows de Radiohead en son temps, Era Vulgaris de QOTSA ici présent. Ces albums sont des ouvertures. Triturer les limites d’un son, bouger les lignes des compositions, après des succès précédents notables. Une prise de risque, pour mieux rebondir. Une fenêtre ouverte sur la fraîcheur du renouveau. Une expérimentation directe, sans filtre. Et ici, le stoner devenu stone.