La troisième livraison des BB Brunes est la parfaite synthèse de Telephone, Etienne Daho et Franz Ferdinand. Je ne supporte pas Daho avec son timbre mollasson et insipide. Mais je dois reconnaître que le bonhomme est doué en matière de sophistication pop. Un talent qui lui est reconnu dans les milieux pop branchés outre-manche. Une légitimité et une influence absolument revendiquée, assimilée et assumée par Adrien Gallo, le leader des BB Brunes. Vous savez ce petit combo parisien qui fit ses débuts en 2007 en pleine mouvance « baby rockers »… Courant baptisé débilement par la presse parisienne féminine qui se découvrait soudainement un amour éperdu pour le rock.
Oui la scène rock du Gibus, Espace B & consorts était préemptée par les minets. Rien de bien nouveau quand on regarde la mouvance Swingin’ London des années 60. L’hystérie collective et féminine pour les Stones ou Beatles étant certes d’un niveau plus ténu pour la scène parisienne emmenée par BB Brunes, Naast, Second Sex, Shades, Plasticines, Parisians & co. Deux/trois ans plus tard, seuls les BB Brunes connaîtront le succès au-delà du Canal St Martin… Un succès de taille. Les nouveaux « Téléphone » avec quelques similarités dans la voix de JL Aubert et Adrien Gallo et les saillies guitaristiques. Un succès mérité malgré l’impressionnante déferlante de critiques pleuvant comme des Stukas sur eux. La faute à leurs belles gueules de minets ? A leurs petites piques arrogantes en interview ? Au lieu de pousser un mouvement qui fit enfin un peu la part belle au rock après des années de relatif désert artistique, la scène rock trentenaire et au-delà les a massacré. Les courriers des lecteurs de Rock&Folk à l’époque étaient édifiants… Depuis Téléphone et Noir Désir, la France n’a pas été foutue d’accoucher d’un autre « champion » rock made in France. Entre 1977 et 2007, 30 ans s’écoulent pour un résultat bien maigre. Deux groupes, deux poids lourds certes mais juste deux… Mais le quatuor BB Brunes résiste. Son public renvoie les vieux schnoks dans leurs buts et afflue en masse à leurs concerts. Les disques s’écoulent comme des petit pains. Un deuxième album en 2009, « Nicoteen love » confirme le talent d’Adrien Gallo et sa bande. Des textes aux allures romantiques et juvéniles certes mais finement accouchés sur des arrangements pop rock malins et très efficaces.
Avec le dernier opus en date, « Long courrier », paru en 2012, BB Brunes prend un virage à sec. Une maturité artistique qui vient taper dans les filets French Pop de Daho. Intelligent. Subtil. Racé. Les instruments se font plus géométriques. A l’image de l’excellente ouverture de l’album, « Grande rio » : riffs et motifs rythmiques sautillants, pop disco entre Taxi Girl, Daho et Franz Ferdinand. Chant plus suave et édulcoré, parfois sexy et évanescent. Deux tubes : « Stereo » et « Coups et blessures ». Les fans de la première heure rock doivent être un peu décontenancés. Le rock adolescent a laissé place à l’âge adulte. Les guitares sont toutes aussi tranchantes qu’aux débuts mais en plus millimétré, calculé. Une production léchée made in England avec Alan O’Connel aux manettes qui a œuvré précédemment avec Bloc Party et Gossip. Une production et un son instrumental très influencé également par le pionnier de l’electro frenchtouch en la personne de Jacno. Si les synthétiseurs ont dévoré l’espace garage rock des BB Brunes, les guitares officient toujours en maître et les basses imposent un groove disco d’excellente facture à l’image du très bon beat dansant de « Stereo ».
Une rare chanson semi-acoustique s’immisce au sein des 12 titres : « Hémophile » dont les textes « Je cogne au Cognaq […] je prends souvent des coups, c’est vrai souvent l’addition est salée… » ont des allures de Biolay prosant Gainsbourg. On affectionne aussi tout particulièrement « Rue de Bucci » et ses incantations pop psychédéliques. Un bijou de french pop vaporeuse qui montre bien le tournant pris par le groupe sur ce disque. « Long Courrier » et son intro tournoyante façon “Virgin Suicides” de Air est une autre perle de l’album. Basse vrombissante au beat hypnotique sur lequel vient se jucher le timbre éthéré et susurré d’Adrien Gallo, clavecin funèbre ponctuant la ballade de notes baroques, arrangements de cordes enveloppant le tout dans un final majestueux et soigné. Impeccable. « Lala Queen » évoque les Scissor Sisters avec son chant perché haut alors qu’« Aficionado » malgré son refrain addictif frise la correction avec ses envolées pop synthé très 80’s, la patte de Daho étant trop flagrante et indigeste sur ce titre. « Police déprime » poursuit ce même registre que l’on écarte d’un revers de l’oreille. Ces deux titres souffrent d’une évidente signature années 80 période « Lemon incest » de Gainsbourg qui ne restera pas comme la meilleure période du grand Serge… Le disque s’achève sur « RIP » et « Garde à vous ». On pense à du Two Door Cinema Club/Vampire Weekend sur le premier titre avec ses riffs à la fois orientalisants et discoïdes.
Au final les 7 premières chansons de « Long Courrier » s’enchaînent parfaitement bien et séduisent totalement. Les 5 derniers titres ne sont pas du même niveau, avec une touche années 80 beaucoup plus prégnante et frôlant parfois le mauvais goût… Un bon disque au global cependant. Les BB Brunes réussissant leur tour de force à se réinventer et avec la manière. Reste maintenant à voir sur quel registre vont évoluer les Français sur le prochain disque, Adrien Gallo étant de plus en plus accaparé par ses aventures en solo.