La saison 1 arrive quasi à son terme et ces 10 premiers épisodes n’ont pas déçu. La saga rock produite par Martin Scorsese et Mick Jagger a plus que répondu aux attentes qu’on avait placé en eux. Les fans de rock en ont pour leur compte. En racontant la fiction du patron du label, également fictif, American Century Records, les deux producteurs nous plongent dans un New York, année 1973, délirant.
Ce label au bord de la faillite, est à deux doigts de signer son rachat par BMG, alors maison de disque allemande, on est encore loin de l’ère des Majors d’aujourd’hui. Son catalogue ne vend plus comme par le passé. Les 3 associés dont le principal, Richie Finestra (incarné par le magistral Bobby Cannavalle que l’on vit dans l’autre excellente série de Scorsese : Boardwalk Empire), sont au bord de toucher le pactole. Cerise sur le gâteau, le label American Century Records assortit à la vente la signature de Led Zeppelin, alors en passe de changer de crèmerie. Le deal capote doublement. Peter Grant, manager des Led Zep, pète littéralement un plomb lorsqu’il apprend que son groupe sera passé dans l’escarcelle de BMG. La scène est homérique. Le britannique préfère se laisser piétiner vivant que de placer Led Zep sous le giron de BMG : “Vous pensez vraiment que je vais laisser ces putains de nazis mettre la main sur Led Zeppelin ? Ces enfoirés qui ont buté des proches pendant la seconde guerre mondiale ? Allez vous faire foutre !” On est en 1973 et la dernière guerre laisse des souvenirs et blessures encore vivaces. Cela ne fait pas 30 ans, ce qui n’est rien à l’échelle d’une ou deux générations…
L’autre cause du capotage : Richie Finestra est frappé soudainement d’une vision lors d’un concert des New York Dolls. Un concert légendaire et totalement véridique puisque l’immeuble underground où se produit le groupe s’effondre sous la violence des décibels et des vibrations qui lézardent le building. Lors de ce live, Richie, poudré jusqu’à la narine, prend de plein fouet la puissance Glam rock et Punk des Dolls. Epiphanie. Le futur de la musique c’est ça : le Punk. Violence scénique, des mots et du son. Il plante BMG. Convaincu qu’il peut réinventer son label en signant de nouveaux groupes de cette veine Punk rock.
Nasty bits sera le groupe sur lequel il jette son dévolu. Ce groupe n’a pas existé. Mais c’est une sorte de pseudo Sex Pistols avant l’heure et version Yankees. Quatre paumés, un leader accro à l’héroïne (interprété par James Jagger, le fils de Mick Jagger) : Kip Stevens. Richie se charge de les signer, de les produire et de les propulser dans les spotlights du rock’n’roll en misant sur ce nouveau son rock agressif et nihiliste, le Punk, et leur attitude scandaleuse. Le concert qui les révèle dans la série, en tant que première partie des New York Dolls, fait le job avec des flics montant sur scène pour les arrêter. Un coup de théâtre manigancé par Richie Finestra qui connaît bien les ficelles du métier pour “marketer” un groupe et créer le buzz autour de lui.
Parallèlement à cette réinvention du label, la série est un formidable documentaire de cette époque. Le business a complètement pris le pas sur l’artistique. Le marché du disque qui a explosé au milieu des années 60 avec les teenagers “baby boom” vient d’amorcer une nouvelle phase de croissance. Le grand média corolaire de l’industrie musicale à cette époque est la radio. L’ère des clips MTV n’arrivera que 10 ans plus tard. On découvre alors la logique des pots de vin versés par les labels aux stations radio pour appuyer la promotion d’un artiste en catalogue. Il n’y a rien de spontané, enfin presque… Une industrie du disque gangrenée par la mafia qui dès les années 50 a su investir dans ce marché bien juteux. Les coups de pression des labels vont même jusqu’à se répandre dans l’agencement des linéaires des bacs à disques des distributeurs ayant pignon sur rue. Juteux, fumeux, crasse. Vinyl croque la mécanique (bien huilée) à la perfection.
En dehors du business, on se promène dans Vinyl comme dans un Who’s Who rock. On y croise John Lennon et May Pang à la recherche d’anonymat et de tranquillité dans un bar new-yorkais où se produisent Bob Marley & The Wailers, encore inconnus à cette époque. On flirte avec Lou Reed, Nico, le Velvet Underground et tout l’univers grouillant autour d’Andy Warhol et sa “Factory”. On aperçoit au loin Crosby, Stills, Nash & Young dans une fête orgiaque d’une villa californienne. On tombe nez à nez sur Joey Ramone au concert des New-York Dolls. On plonge enfin backstage avec Robert Plant de Led Zep, qui discute cachets et commissions avec Richie Finestra…
Dans un autre épisode, c’est David Bowie & ses Spiders from Mars que l’on voit discuter lors d’une répétition d’avant-concert avec la D.A d’American Century Records, alors fraichement rebaptisé Alibi Records dans la série. Mais l’épisode le plus remarquable est celui où l’on voit Richie Finestra, avoir une conversation privée avec Elvis Presley et son manager, l’effroyable Colonel Parker, dans une suite à Las Vegas. Un grand moment qui documente parfaitement bien l’état dans lequel se trouvait le King en 1973, quatre ans avant sa disparition. A savoir perdu sur le plan artistique, manipulé par cette saloperie de Colonel Parker, bouffi, rongé par les anti-dépresseurs, l’alcool, les drogues et la mal-bouffe, l’ombre de lui-même…
Tous ces instantanés sont admirablement bien interprétés et documentés. Un délice pour un passionné de rock qui vit chacun de ces instant religieusement, avec les yeux émerveillés d’un enfant qui déballe ses jouets un soir de Noël. Rien que pour cela, la série Vinyl est un must.
To be continued…