Quelque chose d’une église. Du Bjork, machinal et implacable. L’album s’ouvre sur l’étendue et le mystère. Une voix perce, l’appel des fidèles. Teri Gender Bender (Le Butcherettes) envoie sa ritournelle lourde et impliquée. N’oublions pas qu’elle se révèle en live, s’agrippant au décor ou rampant dans la fosse. Elle est habitée et son chant s’en ressent.
“Wothless” débute, confus mais finalement très pop. La croisière s’amuse avec ce petit riff medium chantant. Mais voilà, Omar remplit. Une succession de notes mélodieuses en tapis de fond, un solo permanent qui accompagne, signature guitaristique du larron de The Mars Volta (pour ne citer que ce projet).
“Dig right in me” démontre s’il en était que Deantoni Parks (The Mars Volta) est un batteur hors du commun. Le commun des mortels sera par ailleurs perdu dès les premières mesures à contre-temps, son temps qu’il définit lui-même, pour mieux retomber ensuite sur un refrain somme toute assez fm. Le travail d’arrangements, post-prod et mixage est parfait. Chaque détail ressort de cet ensemble touffu.
Nous redescendons d’un cran avec “The eye fell in love”, plus sombre et dans l’émotion. Au millimètre, ce titre décolle en plusieurs tours de pistes avant de s’envoler dans la stratosphère. Le temps semble compté par ce clic harmonique qui nous donne un repère. Passé 3’00 la clique nous embarque dans un moment saccadé et brouillon du meilleur effet.
Hautement Rock, “Cry for you” fait des ricochets. L’ascenseur émotionnel. Âpre, prêt à en découdre, le son devient fantomatique sur chaque couplet… Pour mieux repartir vers des contrées qui bavent. Un solo sous forme d’extase lumineuse nous trasperce à 2’40. Il entraînera le décollage.
Mais la gentille croisière s’amuse toujours, espiègle et fraîche. “Morning Sickness” est douce, fragile et calculatrice. Faut-il se contenter d’apprécier ou doit-on s’inquiéter?
“Torn Maps” est froide, du Cure sous influence bubblegum. Les clash nous rappelent Pornography, le traitement noyé sous la reverb/phaser ajoute à cette impression de fête ambulante au pays de Robert Smith. Un riff égyptien, et j’en oublie de changer de métro.
Attention ouvrez les écoutilles. Légère bulle de savon veloutée, la chanson “Turtle Neck” devient dangereuse. Le sursaut de 1’45 nous ramène à la réalité. La prêtresse clame. Le velours reprend, devient distordu, puis s’éteint. Grandiose et synthétique pour découvrir l’univers de Bosnian Rainbows.
Les deux suivantes sont un peu redondantes, passons-les. Arrêtez-vous en revanche sur “Mother, Father, set us free” qui clôt l’album avec brio. Grandeur, grandiloquence, esthétisme, bandes inversées, machine qui s’enraye. Mais qui jamais ne tourne en rond.
L’art de prendre le temps, la curiosité de l’exploration et la maîtrise technique.