Pas de préambule nécessaire à cet album, 7ème d’une grande famille. On peut néanmoins noter la cover faisant référence au fameux packaging des cigares cubains Cohibas, et un sous-titre en guise d’intention : évoquer le désir. Alors un cigare s’impose.
“Prizefighter” écrase tout. Un grain crasseux-cheap qui évoque en fait un certain naturel. On se branche, n’importe où, on tape sur n’importe quoi, on s’égosille, comme on peut. Grésillement. C’est la vie. Mais c’est précis, dans le phrasé et l’intention.
Pépite ballade romantico-dépressive, “That look you give that guy”. Le son se fait mieux produit, plus enveloppant. Nous assistons à une scène de questionnements. Amoureux. La chanson que Mark Oliver Everett préfère et forcément ça le fait.
“Lilac breeze”, et ça repart. Rapide et mouvementée, la chanson semble n’aller nulle part. Un coup de tête qui revient à l’image de cette batterie saccadée et hypnotique.
Pros de la ballade qui fait redescendre, Eels nous gratifie d’un “In your dreams” du plus bel effet. Un accompagnement glissant, doux et qui se fait discret. Le son s’invite au gré d’une pédale de volume qui nuance. Tel un larsen agréable et permanent. Une forme de désir.
Attention, Eels dynamite tout. Une rythmique propice au crooner enervé, seul et barbu devant le monde. Au premier plan, on ne peut pas tricher. Ni feindre la colère. Il EST vénère. Et l’ingé son probablement aussi, les levels sont au max et il peut aller se prendre une bière bien méritée. Pour laisser le charme des lampes opérer.
“The Longing” est un titre introverti, qui glisse à la surface. Une bulle d’air pur teintée de mélancolie. Tout est nuancé ici.
“Fresh blood” est un voyage cinématographique. Errant dans des ruelles sombres, sans issue, autre que cette guitare qui claque quelques accords en contretemps. Les sons deviennent bizarres et planants. Du Eels stratosphérique inquiétant et malsain.
“What’s a fella gotta do” est classique. Du gros son huileux derrière cette voix saturée, Black Keys style. Mi-parlée, mi-criée, la chanson nous renvoie les codes du groupe. Un peu redondante dans cette 2ème partie de l’album.
“My timing is off” est presque joyeuse. Sautillante. Toujours voilée et mineure, mais qui semble regarder devant. Là encore les harmonies sont très caractéristiques.
“All the beautiful things”. Eels époque Novocaine. Caresse du matin qui étreint ou berceuse du soir qui illumine. L’arrangement est particulièrement réussi, un effet boite à musique savamment dosé.
“Beginner’s luck” est drôle et cynique. Un reggae-ska-punk qui s’invite. Peu d’accords et peu de nuances, ici on suit la basse qui bondit à cloche-pieds. Course en sacs. Et un certain plaisir de retrouver une certaine légèreté. Les “oh-oh” caractéristiques du rock Californien.
Et nous refermons l’album sur une mise à nu avec “Ordinary Man”. La boucle est bouclée même s’il est dommage de redescendre après Beginner’s Luck. On imagine une composition tardive, en clair-obscur, guitare simple avant l’ajout d’un orgue qui tapisse le fond.
Eels montre une certaine faculté à raconter des histoires, relativement variées sur cet album – pourtant articulé autour d’un thème – qui passe par tous les stades des émotions: féroce, entêté, mélancolique ou déprimé. Il en devient un peu long. Mais il reste une qualité de composition et un SON.