On poursuit notre série amorcée sur les groupes indés de la scène rock française. Après Deputies, Hooka Hey, Arrogant Criminals et Bigmoneymakers, voici venu le tour de Faith and Spirit. Ces cinq là délivrent un très solide rock seventies à l’ancienne parsemé ici ou là d’influences jazz, blues, americana, country, folk et space rock. Ce deuxième EP de 5 titres qui paraît début 2016 creuse ce sillon blues rock seventies avec une esthétique soignée et un grand professionalisme.
Un très bon I’ll be your man ouvre judicieusement le bal. Les toms déroulent furieusement en introduction. Avant que ne charge la cavalerie portée par un trio basse/guitare/clavier au son abrasif et vénéneux. Le chant fait irruption rageusement et surfe sur un groove syncopé basse/batterie imparable. Les refrains dévoyés par des chœurs féminins façon école Motown/Muscle Shoals donnent cette jouissive impression d’entendre Beady Eye (leur chanson « Bring the light ») jammant avec Little Barrie, autre excellente influence volontaire ou non du groupe. Le final explose sur une salve de claviers digne du meilleur de Deep Purple avec du Slade dans l’énergie quasi-live qui se dégage du titre. Le bonhomme qui martyrise ses touches est impressionnant de maîtrise. Back to mono guys ! Back to 1971 ! On regrettera (pour chipoter) le final abrupt de la chanson, on aurait aimé une plus longue outro faisant la part belle à cet excellent clavier orgue.
La claque de l’EP est incontestablement la chanson Glorious days. Sur un beat lourdement martelé qui rappelle « Do I wanna know » des Arctic Monkeys, le groupe enroule un riff guitare harmonisé/clavier groovy qui n’aurait pas dépareillé sur un titre de Led Zeppelin ou Black Keys. Un clavier vibrato ondule de ses merveilleuses notes jazzy l’arrière-cour rythmique où vient se lover le chanteur dont le timbre singe un habile mélange d’Alex Turner et Liam Gallagher. Oasis est une influence indéniable du groupe sur ce titre avec ce final chanté en duo qui rappelle la ligne mélodique du pont de « Bag it up » sur le dernier disque en date de la fratrie Gallagher (“Dig out your soul”). La pop rock de Manchester s’effiloche progressivement pour gagner un rivage de plus en plus ésotérique avant d’exploser sur un final à la « Gimme shelter » des Stones. Exagéré ? Loin de là… Calypso, la chanteuse qui s’invite sur ce titre livre une prestation finale magistrale qui emmène la chanson vers des sommets. Petit chef d’œuvre sublimé par les interventions oniriques du clavier en fin de titre. Un véritable élixir pour les oreilles.
L’exercice de la pure ballade ne rivalise pas avec les calibres rock proposés par le groupe. Everybody gets it wrong a des allures de Beady Eye et de Guns N’Roses à la fois. Une alchimie atypique au premier abord tant les deux groupes n’ont rien à voir… La mélodie et le chant caractéristiques pour le premier. Les arrangements piano et la composition pour le second. Une ballade acoustique qui souffre d’une certaine langueur et longueur. On saluera néanmoins le travail d’orfèvre opéré au clavier distillant subtilement ses descentes baroques de piano à la Guns.
Le groupe sort de sa torpeur avec Black moon. Encore une intro impeccable qui propulse le rock de Faith and Spirit dans les filets de Led Zeppelin. Le groove est remarquable. Il y a du Kula Shaker dans l’air jusqu’à 2 minutes. Le magistral solo qui suit montre un groupe maîtrisant pleinement son registre blues rock seventies en allant même opérer quelques incursions en territoire jazz et psychédélique. On aimerait juste que le chant soit davantage percutant. Plus de tripes, plus de blues dans l’intention. C’est la seule relative faiblesse du groupe au regard de ses talentueux musiciens qui maîtrisent leur grimoire rock à la perfection. Relative car le timbre est parfaitement à propos sur des formats plus pop rock comme la chanson Glorious Days.
Down the road : un clin d’oeil au « Why don’t we do it on the road » des (Beatles) ? Une tournerie blues/country rock à l’ancienne dans la tradition de Canned Heat, Ten Years After et les Stones période “Exile on main street”. L’harmonica est parfaitement bien exécuté. On sent que le groupe se fait plaisir (solis de clavier et guitare du plus bel effet) et convoque encore avec brio des chœurs féminins permettant à ce titre un brin répétitif (mais c’est le propre du blues…) de s’élever un cran au-dessus de leurs pairs sur la scène rock actuelle en France.
La difficulté de chroniquer des groupes autoproduits c’est qu’on a tendance à les situer et les juger dans un registre différent des groupes signés et médiatisés. Comme si dans cette ligue 2 du rock, on ne pouvait pas oser les jauger au devant de leurs plus illustres homologues. Pas nous. Et ce n’est pas faute d’avoir eu le supplice d’écouter des groupes passant en radio absolument abominables et ne valant pas un clou. Ici, chez Faith and Spirit, la came est bonne. Cet EP est bien inspiré et délivré sans fioritures. Rien de novateur certes mais on s’en cogne. Un bon riff de guitare nous fera toujours plus vibrer qu’un maigre loop de synthé dont tant de groupes ont abusé et abusé… Et que dire du claviériste sinon que celui-ci sublime l’ensemble à la perfection, chose malheureusement trop rare aujourd’hui dans le rock contemporain pour être souligné ici. Avec cet EP, les parisiens jouent dans la cour des grands. Avec davantage de coffre et de “soul” dans l’intention pour le chanteur et un peu plus de mélodies moins linéaires sur certaines chansons, le groupe sera alors parfait en tous points. Mais rien que pour la chanson éponyme Glorious Days… on est déjà conquis…
Au milieu de ce disque de bonne facture, ne surtout pas passer à côté de ce titre immense : “Glorious Days”.
Toutes les chansons de l’EP sont ici sur Soundcloud : https://soundcloud.com/faith-and-spirit
L’album paraîtra le 11 mars prochain sur Deezer et Spotify. Le groupe sera en concert au Bus Palladium (Paris) le soir-même pour marquer le coup. En live ils ne trichent pas, à voir absolument.
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