Le rideau s’ouvre et Foxygen s’invite théâtralement. Ils ont tout compris. The Beatles, The Kinks, l’Angleterre. Quelques cuivres et applaudissements-clins-d’oeil (Magical Mystery Tour), un phrasé faisant revenir Lou Reed, un coté voilé Velvetien, un petit riff Hendrixien. Une ouverture en fanfare qui fleure bon le génie (et tout ce que j’aime, wow!).
La basse nous emporte dans un dimanche matin moderne. La voix s’effondre en fin de phrase, la guitare se fait subtilement enveloppante. Une alternance de mots parlés, jetés. Un ton gentil. Un Bob Dylan qui aurait récupéré de l’espoir au passage, c’est “No Destruction”. Du Velvet lumineux qui nous fait la leçon. Et en même temps, un côté fleur bleue rétro post soixante-huitard qui passe ses vacances dans une bergerie. Ça détend.
“On Blue Mountain” tangue. Un navire à la dérive. Un Capitaine Haddock qui aurait retrouvé la réserve personnelle du commandant et son whisky inaccessible en apesanteur. Et qui monte en pression. On pense forcément à Heroin du Velvet, mais quelques instants seulement. C’est avant que le groupe envoie du bois, à base de choeurs jouasses, d’un refrain gentiment MGMT, d’un riff descendant à la -M-, pour mieux s’échouer dans la lumière d’un phare des garde-côtes. Nous sommes dans la ligne de mire. Et cela va mal finir. Psychédélique.
“San Francisco”, nous en parlions. Mais qui ne s’embrume pas. Plutot celui où tout est beau, boîte à musique, manège enchanté, lever du soleil, Françoise Hardy qui passerait par là, des températures douces pour la saison. C’est subtilement arrangé, l’impression d’être déjà connu, fouillé, avec une basse ronde, un tremolo qui ponctue, une mélodie qui nous encourage. Polaroïd d’une époque qui aurait à peine jauni.
Retour dans un bouge enfumé. “Bowling Trophies” s’accage tout. C’est moite, bas de plafond. Des mineurs de fond piochent jour et nuit dans le vacarme du train-train. Son assourdi, rythmique mécanique, sombre, répétitif comme une transition (1’47). Comme pour nous rappeler que – non – tout n’est pas si simple.
“Shuggie” fait dans le Metronomy du bord de mer et le Pete Doherty. Pour l’univers et la voix posée devant (époque Last England Roses). Une diction pleine de reverb, qui se répond. Qui flotte. Un brin désenchantée. Puis ce monde enchanté revient sur le refrain, où tout semble paisible et lumineux. Une électro optimiste. Le break de 2’30 verse dans le Prince. On adhère et réécoute.
Place au funk, “Oh Yeah”. Ça ronfle, groove, splash. Un brin crooner démonstratif. Rétro, Marvin Gaye sur un boat, îles paradisiaques. On tape sur des bambous en bord de plage, arborant fièrement un collier de coquillages du marché local. Mélange de blues-funk, un brin Clash. Pas si simple. On en redemande.
Fête locale, les grand-parents sont de sortis. Guirlande de fortune et DJ qui parle. Rockabilly, twist, nous révisons nos classiques. “We are the 21th century” est très efficace au volant d’un truck de l’ouest américain. Traversée du désert sur fond de bonne musique, qui paraît simple mais pourtant tellement subtile et intelligente. Paroles-éclair. Mais on s’en fout. 60-70s se mélangent, et nous sommes en 2014. Oh Yeaaaah. Le titre s’envole à 3’00 . On entend les Who. The Animals. Du Led Zep. Tout ce qui réchauffe les oreilles un matin d’hiver. Bluffant.
Mais non? C’est déjà la fin? “Oh No” sous ses airs de slow de La Boum est en fait calmement déclinante. Retour sur Terre. Un slow au ralenti qui tournerait mal, celui pendant lequel Jean-Claude Duss ne conclut pas et s’isole, seul au milieu d’une foule qui a plus de chance. Si ce n’était que cela. Le titre évolue drastiquement vers les bafonds d’une bande-son fin du monde, une fin où le décor se désosse, un héros qui sombre dans les entrailles de la Terre en tournoyant. En reviendra-t-il? Une voix martèle. Avec des “si” le monde changerait. Rêve éveillé. “If you believe”. Restons positifs, morale de l’histoire d’un crooner de rue prépubère et hésitant qui vous indique la voie.
Foxygen nous livre une pépite où chaque note nous invite au voyage, à raconter une histoire, sa propre histoire. Une multitude d’influences 60s-70s revues et corrigées dans un mood actuel. Jamais caricaturales. De la subtilité géniale, des clins d’oeils, une merveille d’arrangements, du monde au bataillon, qui sait jouer sa musique. Une porte ouverte. L’Angleterre. Woodstock. Une pierre angulaire qui réconcilie.