C’est un rattrapage que RocknRank opère ici. Pour se pencher sur le cas de Loren Francis, magnifique songwriter américain au chant fragile et poignant.
Natif de l’Etat verdoyant du Maine qui jouxte le Québec, Loren Francis a façonné son folk Americana au gré d’un répertoire qui puise ses influences aussi bien du côté de Bob Dylan, The Band, The Byrds que Johnny Cash, Kris Kristofferson, Leonard Cohen etc. De Portland à Nashville en passant par l’Amérique Centrale et Jérusalem, il pose ses valises à Stockholm où il y rencontrera sa future femme avant de revenir dans ses terres natales.
Il publie deux EP en 2010 et 2015 avant de raccrocher (sine die ?). Neuf chansons admirables avec certaines d’entre elles absolument renversantes.
I’ve Been Down Before (EP 4 titres) – 2010
Du Sufjan Stevens coule dans les sillons d’un It’s Over taillé au feu de bois. Un léger falsetto intimiste égrené sur un arpège acoustique à l’écrin délicat. Désarmant. Fragile. Un harmonica discret, une guitare pedal steel qui traîne son spleen, quelques notes qui tintent et carillonnent…
If It Was Up To Me démarre sur une ligne de guitare folk aigrelette. Le timbre se fait plus écorché et voilé. Un refrain taillé pour les radios. Du folk binaire efficace pour la route.
Un doux parfum de Country infuse ce Lot Left To Learn qui lorgne du côté de Joan Baez, Bob Dylan et The Byrds. Un titre travaillé et bien inspiré. On se laisse couler dans le Mississippi au son de la roue de l’orgue Hammond et des chœurs pastoraux qui soulèvent chaque refrain. The Band est autre une influence ici évidente.
Dernier épître : I’ve Been Down Before. Furieusement poignant. Un désespoir rageur écume à la surface du refrain. Le tempo est martial. Une rémission douloureuse portée par un timbre au chagrin contagieux.
Animal Love (EP 5 titres) – 2015
Le deuxième EP paru en 2015 est encore plus abouti. Un petit bijou parsemé des mêmes influences citées plus haut et auxquelles on rajoutera les vibrations mélancoliques de U2 (registre « One »).
Lorsque j’ai entendu la chanson Animal Love pour la première fois, ma gorge s’est serrée, mon souffle s’est figé. L’émotion provoquée par cette ballade me tétanisa et chaque écoute continue de me foutre un bourdon que je ne saurais expliquer… Une délicieuse mélancolie érigée en chape de plomb sur le cœur. Est-ce timbre de voix caramel à la fois majestueusement triste et chaleureux ? Est-ce piano qui scie l’âme de ses notes insidieuses ? Ou ce final qui colle un frisson planant ? Ou ce tout à la fois qui en fait une grande chanson.
Avec Hallelujah Here It Comes, Loren Francis enfonce le cou question spleen. Le point remarquable de cet EP est tout le spectre laissé au chant. Les arrangements sont minimalistes pour servir cette voix avec magnificence. Un timbre aussi bien généreux qu’écorché. Qui va chercher au fond des tripes. Le vécu de choses douloureuses est palpable. Un vécu révélé avec une grâce folle, quasi christique.
La chair de poule ne désenfle pas sur A Thousand Miles Away… La gestion des crescendo et des tensions est aussi l’un des points forts du songwriter.
Un soupçon de Folk irlandais irrigue les deux derniers titres. Good Taste In My Mouth se délie sur un délicieux contraste entre arpège sautillant et chant éploré. Le battement de pouls en embuscade maintient la tension avant de céder devant un mur de larmes. Doing The Best I Can est dans la même veine avec un chant cette fois plus rasséréné. Une plaie béante qui se referme doucement. Le sel de la vie.
J’ai connu Loren lorsque j’avais 14 ans. Une amitié fugace mais fondatrice dans ma passion pour le rock et ses dérivés. C’était en 1995. Foutu temps qui passe… Il faut que je retourne dans le Maine.