Melody Prochet est française, et a 27 ans seulement. C’est par le biais de son projet Melody’s Echo Chamber qu’elle nous gratifie d’un album clair-obscur, à la fois doux et mouvementé. Naissance et chaos. Entourée de Kevin Parker, le monsieur aux manettes de Lonerism de Tame Impala, Melody éclot en 2012 et bouleverse la scène psyché-pop. Chronique d’un album qui n’aurait pas pu rester dans l’ombre.
Un voile sirupeux. Les cordes frisent et résonnent gentiment. La voix s’entoure d’un espace dense et propice à l’évasion. La basse se ballade, comme autant de vagues. Chant à la dérive. C’est précisément propre, mais naturel. Le clavier à droite fait l’effet d’une boîte à musique gentille qui susurre. Les couches s’ajoutent, le sommeil se fait profond, autour d’un solo galactique.
Dans la torpeur d’une course fanatique, l’équivoque devient machinale. Du Bjork à la sauce Death Cab. L’électro sonne rock et entête. Les filtres deviennent ivres et font chavirer. Un excellent travail d’enregistrement et de production. Le son est épais, touffu mais digeste. Et tout cela éclabousse à 4’00. On ne parle pas ici d’éclat calculé, mais d’une digression que l’on suppose honnête, lâché-prise ultime de l’improvisation. “Crystallized” est somptueuse. Bosnian Rainbows saurait apprécier.
Le fil rouge de la voix pure et cristalline nous enchante. Sans en avoir l’air, nous voguons de paysages en émotions. Les ponctuations se font cyniques, surréalistes, le son de l’espace au service d’une ôde à la rêverie. Un vrai univers, quasi militaire, précis et qui progresse. Gainsbourg nous gratifiait de “crac, boum, hue”. Ici les ricochets maléfiques sont le fruit du son lui-même torturé dans ses fréquences.
“Some Time Alone, Alone” explore des voies plus exotiques, un joueur de sitar enchanté débarque sur un tapis volant de soie. La batterie se fait enchanteresse, ponctuant avec une ardeur douce et planante une mélodie divine.
Puis vient le temps du “Bisou Magique”. Beat qui déboîte, arpèges audacieux en escalier. L’espace est là encore dûment rempli et une écoute attentive au casque est nécessaire pour apprécier les pleins et les déliés. Une fulgurance de plus, qui enchante.
“Endless Shore” est un peu longue dans un style alors connu et quelque peu répété. Elle n’apporte pas cette pierre supplémentaire qui aurait pu nous faire décoller. Mais ce “Quand vas-tu rentrer?” nous rappelle. Un riff tournant qu’Amélie Poulain aurait dégusté dans une salade de fraises. Puis ces contretemps jazzy, une basse qui se joue des codes. Cachée. Réapparue. Une lutte enfantine et l’horloge qui s’emballe. La rondeur dans les basses qui remontent le temps. Joyeuse épopée céleste.
Un beat qui tâche, âpre et très urbain. “Mount Hopeless” surprend, se jouant des filtres qui tapissent et mettent en relief un excellent travail de composition. De surprises en échappatoires… Vers un “IsThatWhatYouSaid” cosmique et psychotique. Un cerveau n’étant pas suffisant pour emmagasiner ce lot de bandes inversées improbables. À écouter quand on a la grippe, ou inconscient. Ça détend.
L’album s’exile vers un “Snowcapped Andes Crash” lent et vigoureux. Orgue pour enfant didactique, tonnerre, pluie diluvienne, basse en sourdine, rupture de contact. Torpeur. Signal de détresse. Une vie qui fait parler d’elle puis s’efface. Un rayon laser qui découpe une carlingue. L’espoir. Le recommencement.
La candeur, la joie des débuts. “Be Proud of your Kids” pourrait être un message. La boîte à musique, le théâtre, les costumes, les premiers mots, les fanfarons. Tout cela semble n’être que rêve? Ou un voyage initiatique dans l’enfance et son univers à part. Tout est simple, naturel. La basse s’étire et s’amuse. La gaîté des arpèges, des chinoiseries. Quelques superhéros. La fin, annoncée en un ultime mot.
Un univers, un son à part, joyeux, chaotique et cosmique. Un travail d’orfèvre de détails, arpèges, ambiances et délires en tous genres. Fantaisie cosmique et irréelle qui fait appel à la plus pure imagination, celle de l’enfance, où tout est permis. Une très belle découverte, trop longtemps méconnue. Un pays des merveilles et sa chambre d’échos.