Oasis débarque en 1994 alors que Nirvana implose. Dans son sillage, Soundgarden, Pearl Jam, L7 et consorts ne parviendront pas à reprendre le flambeau de plus grand groupe rock du monde. La scène rock US délaisse sa couronne aux britanniques. En 1989, les Stone Roses sont adoubés du public avec un premier album devenu culte. Manchester devient le nouvel épicentre de la scène rock mondiale. Rebaptisée « Madchester », elle voit le « Baggy sound » triompher dans les charts avec The Charlatans, Ride, Happy Mondays,… Rock sous amphétamines et acides. Les instruments se noient dans une atmosphère éthérée faite de delay, d’échos et de réverbe. Les voix sont vaporeuses, planantes,… Mais le groove est sous influence Electro, House et Funk. Voilà le bristish sound à l’œuvre de 1989 à 1994. L’antithèse de l’agressivité du Grunge rock US.
A Manchester Noel Gallagher met la main sur Oasis en 1991, groupe fondé par Liam, son frère cadet au chant alias “Our kid”, et des amis d’enfance, le guitariste rythmique Paul Arthurs alias “Bonehead”, le bassiste Paul McGuigan alias “Guigsy” et Tony McCarrol, lequel sera saqué par le groupe lors de l’enregistrement de “What’s the story morning glory” car jugé incapable de jouer correctement les parties de batterie imaginées par la tête pensante du groupe : Noel Gallagher lui même surnommé “The Chief”. Le groupe trime 3 ans et se fait repérer par Alan McGee, éminent patron du label indie « Creation Records ». McGee est sidéré par la prestation live du groupe et notamment par l’attitude nonchalante et teigneuse du chanteur, véritable frontman rock. Il les signe et produit « Definitely maybe ». L’onde de choc est immense. Le pays se découvre un groupe rock and roll au sens premier du terme. Les médias en deviennent dingues. Déclarations fracassante sur déclaration fracassante, les deux frères assènent des propos d’une arrogance inouïe : « Nous serons plus grands que les Beatles », « Nous serons le plus grand groupe du monde d’ici un an »… Mais derrière cette attitude de magnifiques branleurs working class, les chansons sont véritablement là.
Rock and roll star annonce la couleur d’entrée de jeu : conquête du monde, ego démesuré, le tout dressé sur un « wall of sound » dantesque. On pense au final de « My generation » des Who que le groupe affectionne tout particulièrement. L’album prend des tournures pop psychédéliques avec Shakermaker, Up in the sky et Columbia, au groove de basse/batterie hypnotique sous influence hallucinogène Stone Roses. Reverbe, écho, delay, flanger, le son tourbillonne, les riffs épileptiques pleuvent et le chant surnage avec une insolence et une nonchalance spectaculaires.
Cigarettes and alcohol, hymne à la défonce, lorgne du côté Punk des Sex Pistols et du Garage rock des Buzzcocks en empruntant malicieusement le riff boogie de « Get it on » de T-Rex. Bring it on down et son autoroute punk psychédélique est un autre temps fort de l’album. Les riffs pleuvent, la basse/batterie assène un groove lancinant et Liam, lui, envoie ses textes avec une rare insolence et désinvolture.
De mélancolie et sensibilité, le disque n’en manque pas à l’instar des poignants et célestes Live forever et Slide away où Liam Gallagher tutoie la perfection au chant. De façon inattendue et surprenante, le disque se clôt sur une jolie ballade acoustique, Married with children où la voix de Liam est du plus bel effet, juvénile et cristalline. La ritournelle potache Digsy’s diner et le lysergique et fabuleux Supersonic confèrent au disque sa dimension pop sixties.
Les textes sont simples, directs : au désarroi d’une vie monotone faite de briques rouges et de pluie ; Noel Gallagher oppose à la fois une échappatoire et un manifeste sex drugs and rock’n’roll. Un premier album magistral. Un chef d’œuvre qui incarne la quintessence du rock anglais en allant puiser dans le registre classic rock, indie, punk, garage, pop, psychédélique,… Contrairement à ce que bien des détracteurs d’Oasis ont pu dire, la trace des Beatles est très peu présente. Elle le sera bien davantage dans les futurs disques du groupe. « Definitely maybe » est à part dans la discographie d’Oasis. C’est un disque nerveux, résolument rock et produit dans l’air du temps (ce fameux « baggy sound »). Jamais le groupe ne retrouvera cette hargne et ce son très compressé mais pourtant formidable.
Plébiscité unanimement par la critique et les auditeurs, ce premier LP devient le 1er disque le plus rapidement vendu de l’histoire au Royaume-Uni, devant « Thriller » de Michael Jackson. Un disque majeur, emmené par un quintette de mercenaires habillés en K-Way et surveats Lotto qui foncent tout droit dans la brume, sans hésitations, sans état d’âme et avec la seule envie de tout défoncer sur leur passage. « Definitely maybe » est un cocktail molotov envoyé à la face du monde.