Effigie reine du courant Britpop des nineties, le deuxième disque des frères Gallagher élève Oasis au statut de divinité rock en Angleterre. “What’s the story morning glory” est un monument du classic rock anglais qui se vend à plus de 18 millions d’exemplaires dans le monde et continue régulièrement de squatter les charts UK.
Après un premier coup de tête magistral en 1994 avec “Definitely maybe”, Noel Gallagher, 27 ans, charge son barillet d’auteur-compositeur avec 10 chansons qui achèveront de terrasser définitivement les soubresauts d’un courant grunge à l’agonie. Aux textes dépressifs et mornes de ce dernier, il leur opposera espoir, revanche, hédonisme et optimisme (Roll with it, Hello, Morning glory,…) Oasis devient « le groupe du peuple », de la working class, la bande son d’une Angleterre qui s’apprête, avec les élections de 1996, à museler une décennie de conservatisme (de Thatcher à Major) en consacrant les travaillistes de Blair au pouvoir. C’est donc un disque majeur pour les britanniques car il y contient une dimension sociale rock, chose en France difficilement intelligible… Oasis se construit un répertoire brassant Jam, Beatles, Stone Roses et Slade. Des chansons taillées pour chasser son spleen quotidien, brandir fièrement sa pinte en l’air, accompagner en rythme les hymnes footballistiques, s’empoigner fraternellement les uns les autres, dire je t’aime à demi-mots,…, bref incarner la BO d’une vie de millions d’individus désireux d’oublier la grisaille ambiante et aspirant à des lendemains qui chantent.
Les hits pleuvent avec insolence (Wonderwall, Don’t look back in anger, Champagne Supernova, Roll with it, Some might say,…) et deviennent des monuments de la chanson anglaise. Touché par la grâce, recycleur talentueux, Noel Gallagher accouche de son chef d’œuvre. La voix magistrale de son teigneux de frère Liam confère aux chansons nervosité, mélancolie et fronde. Les critiques de l’époque la qualifient de “John Lennon chantant les Sex Pistols”. En live, le groupe terrasse la concurrence, défendant fièrement son rock bravache, sans artifice, sans trucage, sans sample, se contentant de laisser parler les guitares, le rock brut à l’état pur… De 1994 à 1997, Oasis est le meilleur groupe de rock au monde avant que Radiohead ne mette un terme à la fête avec son neurasthénique “OK computer”, classieuse gueule de bois prog rock.
La force de “What’s the story” (réédité en version premium remasterisée en 2014 avec moult bonus (faces B d’une exceptionnelle qualité comme “The masterplan”, “Acquiesce” ou “Rockin’ chair”, live, démos acoustiques,…) est de proposer des refrains « évidents », des mélodies en béton armé couchées sur un mur de guitares noyées dans la reverbe (Hey now, Roll with it, Morning glory,…) et soutenues par une piste acoustique qui donnent à Oasis ce son si caractéristique. Le tout arrangé avec de subtiles lignes de cordes qui distillent ce qu’il faut de mélancolie aux chansons pour les rendre intemporelles (Wonderwall, Cast no shadow…)
En 1995/1997, le Royaume-Uni est un pays porté par un peuple revanchard socialement parlant. La working class fait triompher le Labour. La nation est heureuse, elle s’amuse, elle “vit”, elle a une foi absolue en l’avenir. Cet état d’esprit a été parfaitement incarné à l’époque par Oasis et des frères Gallagher confiants, arrogants, audacieux, en osmose avec la “vibe” qui anime le “peuple” car issus eux-mêmes des tréfonds de Manchester. Un disque miroir d’une Angleterre qui fut animée, comme on ne l’a plus vu depuis 20 ans, par de grandes espérances hélas rapidement brisées au tournant du XXIème siècle. Depuis, ce disque a passé l’épreuve du temps, la production a bien vieilli, les chansons sont à jamais des classiques rock. Oasis brisera tous les records avec ce disque (ventes de singles et d’album, affluence en concerts, nominations, récompenses rock critiques,…) qui placera le groupe dans le clan des groupes britanniques majeurs de l’histoire du rock même si les 6 autres albums studio du groupe seront plus ou moins de bonne facture.
Champagne supernova Live à Knebworth en 1996 avec un solo épique de John Squire (ex-lead guitariste des Stone Roses)