Paul McCartney, légende vivante qu’on ne présente plus, publie en 2005 un treizième effort solo éblouissant.
Assisté sur suggestion de George Martin par l’immense producteur Nigel Godrich (Radiohead, Beck, Air, Travis, Pavement…), l’ex-Beatles livre un disque renouant totalement avec les sixties et donc le meilleur cru de ses compositions avec les Beatles.
McCartney joue de quasiment tout sur le disque, chose qu’il n’avait fait que deux fois par le passé (les albums McCartney et McCartney II datant respectivement de 1970 et 1980). Nigel Godrich le pousse dans ses retranchements, ce qui permet d’obtenir un album intime, feutré et cohérent de bout en bout. Un album (conçu) à lumière de la bougie…
A l’âge de 63 ans, et avec la prolifique carrière qu’on lui connaît, une telle merveille d’album est tout simplement un affront, une torgnole envoyée à la face de tous les artistes que ces derniers soient des dinosaures (The Who, Rolling Stones…), des poids lourds (U2, Coldplay, Muse…) ou des valeurs montantes. Un tel talent après 40 ans de carrière frise l’insolence et conforte pour qui aurait eu l’audace d’en douter que Sir Paul McCartney est un génie, un Mozart de la Pop. Sans aucune contestation possible le plus grand faiseur de mélodies que cette planète ait enfanté.
Le Grand Paul (re)convoque toute la magie des Beatles en tant que faiseur de mélodies à tomber par terre. Fine Line avec sa double ligne directrice de piano martèlant des accords plaqués sur un beat entrainant. L’aigle prend son envol et plane à 1 minute avant de tournoyer dans la vallée pop baroque symphonique édifiée par Sir Paul. Un final en guise de swing emballe le propos sur un coda entêtant. Première chanson, premier refrain marqué au fer rouge, première conquête. N’est pas ex-Beatles qui veut. Il n’y a pas de hasard…
La lumière des Fab Four est une constante développée tout au long de ce disque, McCartney se fendant même d’un hommage upbeat posthume à George Harrison, ponctuant la composition d’arrangement chiadés comme seuls savent le faire des pointures de son pedigree. C’est ce que l’on retient de ce joli Friends To Go. Et difficile de ne pas succomber au charme suranné et So British de cet English Tea. Concerto pour cordes en préambule. Image de carte postale jaunie et écornée. Un piano rondelet et canaille. Ray Davies et ses Kinks vous salue.
McCartney ou qui de mieux avec Ray Davies pour mettre au monde des ballades à la mélancolie foisonnante à l’instar de Riding To Vanity Fair. Une litanie nocturne, aux arrangements subrepticement funestes. L’art d’évoluer sur un fil qui tressaille entre oraison funèbre et parfums de regrets… Un sentiment d’inachevé, une madeleine de Proust égarée dans un fog fantasmagorique. Même impressions sur This Never Happened Before porté par des escadrilles de violons et harpes élevant la chanson vers des sommets de classic pop. Poignantes réminiscences de “The Long And Widing Road”…
Ces mêmes réminiscences que l’on retrouve sur At The Mercy qu’un violoncelle grinçant vient étrangler de son sanglot avant de laisser sa proie libérer ses ailes et prendre son envol. Même état d’esprit maussade avec How Kind Of You : une ballade liquide et liquoreuse aux accents légèrement prog rock, qui tangue tel un bateau ivre et des arrangements subtilement dissonants donnant ce qu’il faut de spleen nauséeux à l’ensemble.
Lorsque McCartney pousse l’intimisme de ses compositions dans un registre purement acoustique, c’est là que l’on touche au cœur du génial réacteur. A l’image de cet exceptionnel Jenny Wren. Une claque dans la veine de “Blackbird”. Une acoustique folk chaude et lumineuse en duel avec une prestation vocale veloutée. Un soli de Duduk (sorte de hautbois venu d’Arménien) apporte une touche satinée et voluptueuse à l’affaire. Apaisement. Ce breuvage folk est des plus exquis. Bourdon. Qu’adviendra-t-il lorsque Sir Paul ne sera plus de ce monde ? Ce Mozart de la Pop rappelle à travers cette seule chanson à quel point son œuvre est un Panthéon. A Certain Softness enfonce le propose avec ce titre en forme d’émanation contemporaine de “And I Love Her” composée à l’époque des Beatles. La maestria du grand Paul en matière de ballade bossa au son boisé et chaleureux. Crépitement de flammes, effluves de Brandy, un piano bar qui se dandine, un timbre soyeux inimitable… Heureux soupirs… Follow Me et son pur jus Beatles achève de nous sublimer.
“Looking to the backyard of my life” chante Paul sur Promise To You Girl : une chanson en forme de subterfuge pop avec ses clins d’oeil à Queen et aux Beach Boys. Sur un pénultième effort, McCartney nous envoie en plein visage un shuffle cabotin parfaitement mené sur un tempo débridé.
Anyway referme ce petit chef d’œuvre. Interprétation d’une intensité bouleversante. Dire que Paul McCartney est le plus grand compositeur de l’univers pop et rock n’a rien d’un parjure. Écrire un tel album après tant d’années n’est pas une prouesse. C’est être touché par la grâce.
Pour les fans du Monsieur, voici tous les instruments dont il joue sur cet album. Effarant…
Paul McCartney – Bösendorfer grand piano, Baldwin spinet, Höfner bass guitar, Epiphone Casino electric guitar, Martin D28 acoustic guitar, Ludwig drums, shakers, tambourine, vocals, flugelhorn, guerrero, piano and Epiphone acoustic guitar loops, Epiphone Texan acoustic guitar, Ludwig floor tom, Steinway grand piano, Fender Telecaster electric guitar, cello, mass vibrachimes, B3 organ, tambourine on snare, Höhner melodica, Ludwig bass drum, recorders, tubular bells, Fender Stratocaster electric guitar, Martin 12 string guitar, Schmidt autoharp, maracas, Petersen classical guitar, Crown upright piano, harmonium, Paiste gong, cymbal, triangle, Toy glockenspiel, Wurlitzer electric piano, percussion, block, Yamaha grand piano, Gibson L5 electric guitar, moog