Concept-album paru en 1971, Melody Nelson est une pierre angulaire dans l’œuvre majeure de Serge Gainsbourg. Parlé, narré avec précision et émotion, cet album nous plonge dans le récit émotionnel des prémices d’une histoire d’amour, de la rencontre au dénouement provoqué par un accident d’avion. L’orchestration de Jean-Claude Vannier est fine et méthodique, chaque note entrant en résonance avec chaque mot.
Ouverture. Une batterie implacable marquant chaque impact innocemment. La guitare se fait criarde comme pour signaler un danger imminent. Mais la jeune cycliste ne l’entend pas. Et soudain, l’accident. S’ensuit un état de vague à l’âme plus ou moins conscient où, à demi mots – “Melody”, la rencontre s’invite. Une description rapide qui campe le décor, d’une fresque poétique aux débuts dramatiques.
Arpège narrant une histoire naissante, nous arrivons au développement (“Ballade de Melody Nelson”). Entre temps, l’ellipse, chacun pourra imaginer les étapes manquantes. Attachement, affection, une soudaine douceur. Scène de “Valse”, un mouvement ample et tournoyant. Les cordes ajoutent à la grandiloquence. Tourbillon de bonheur.
“Ah Melody!” est l’heure du premier bilan. Différence d’âge, jeunesse et manque d’expérience, doute, naïveté et l’ombre du mensonge. Un instant nuageux gentiment méprisant.
L’hôtel particulier, sombre et méticuleux. Il s’agit de respecter la procédure lente et précisément descriptive. Jusqu’à l’instrumental qui ronronne. Le réalisme est frappant, les adjectifs sont pesants.
Une dose de funk, “En Melody”, et une étape supplémentaire est franchie. Douceur d’onomatopées. Vers un final glaçant, annoncé par une voix monocorde et objective. Un deuxième accident, d’avion et tragique cette fois, comme un point final brutal à une idylle qui pique du nez. Elle n’est plus. Les anges répondent, Gainsbourg cherche son corps, un cauchemar éveillé dans les profondeurs d’un “Cargo Culte” qui devient psyché.
27 minutes et 57 secondes. Finesse, génie. La langue française est sublimée.