Début de la fête. La wha s’active, les roulements s’enchaînent, Iggy verbalise, la fuzz ponctue, puis s’acharne, la clash déclenche, la basse rentre, la tonalité s’élève, la pause s’impose. Bourdonnement plaintif, qui tourne – jamais en rond -, qui nous prend et ne nous lâchera plus. 1969. Premier album éponyme produit par John Cale (bassiste du Velvet). Iggy Pop avait 22 ans. Go.
Remplissage métronomique de fréquences jusqu’alors inconnues. Un charley qui nous charme, légèrement en décalage pour plus de groove ou par pur hasard, un chant monocorde qui brandit les armes. “I wanna be your dog”. Le rock est ce mélange d’intention et d’émotions, un instant saisi que l’on retient. La première fois, j’ai écouté cet album. Je l’ai remis une seconde fois. Pour mieux l’appréhender. Pour vérifier si le deuxième choc est semblable au premier. La 15ème écoute génère toujours la même chose. En mieux. Ce doit être cela, l’album culte qui ouvre de nouvelles voies. Il ne vieillit pas.
Surtout qu’après l’extase vient la descente, annoncée élégamment au préalable. “We will fall”. Suivons-les à pas de velours, dans cet univers feutré, obscur et presque machiavélique. Un titre qui invite au voyage attentif.
Mais ne nous endormons pas sur nos lauriers, “No fun” nous dicte la fin de l’amusement. Les clap – toujours approximatifs – ajoutent une dose d’amateurisme. Un esprit de lâcher prise, une prise de son dans un garage. Et à force de s’égosiller, il nous déclenche une tornade guitaristique, à base d’abeilles qui butinent l’enceinte, de contretemps plus ou moins voulus, d’improvisation pas très assurée, le temps d’un instant, là encore. Ce titre guérit très bien la migraine et l’ennui.
Ce qui m’intéresse le plus dans “Real Cool Time” est cette partie de guitare soliste permanente qui n’accompagne personne. Omar Rodriguez Lopez a dû écouter cet album et puiser là son inspiration narcissique. Jouez, vous tous. Je joue aussi. Autre chose. Et le résultat est génial, psyché et tout aussi inspiré.
S’ensuit une ballade à la lueur de la bougie. “Ann” nous inspire – a posteriori – un bon titre de Portishead, qui nous donne une raison de l’aimer. En plus torturé, certes.
Un bon vieux blues rock qui tâche, “Not Right” déroule et fait le job. Un Iggy pop distant, avec cet esprit de paroles qui ne viennent pas. Autant répéter la même chose. Pour ne pas oublier. Au pire, le solo nous permettra de meubler. Un “je m’en foutisme” ambulant du meilleur effet.
Et il faut bien conclure, 8 titres ça use. “Little Doll” répond à “I wanna be your dog”, lui empruntant mélodie et jeu de toms. En écrivant, je cherche ce qui me plaît dans cette musique. Probablement la surprise à chaque instant, l’imperfection et la sensibilité perfectible. La sincérité de l’amateurisme qui n’en est pas, la chance du débutant. Ceci et cela.
Du blues, du punk, du rien. Du son. Une porte ouverte. Un album qui n’a pas été fait pour être écouté. Qui n’a pas été pensé. C’est donc un bon album. Primitif. Comme on n’en fait pas assez.